Zhang Feng : Maître de la peinture paysagère chinoise
Prooemium ad nostrum diarium
Pour inaugurer notre blog sur Au-Vase-Chinois.com, nous avons l’honneur de vous présenter l’artiste Zhang Feng. Zhang Feng, une figure emblématique de la transition tumultueuse entre les dynasties Ming et Qing, est célébré pour son style artistique unique et son profond engagement envers la tradition chinoise. Resté fidèle à la dynastie Ming, il a refusé de servir sous le nouveau régime mandchou, choisissant de vivre dans des conditions modestes tout en continuant à créer des œuvres d’une beauté et d’une profondeur remarquables. Nous vous invitons à explorer avec nous la vie et l’héritage de cet artiste exceptionnel.
Zhang Feng
Zhang Feng (张风) est un peintre chinois de la dynastie Ming, né en 1601 et actif jusqu’à sa mort en 1674. Bien que moins connu que certains contemporains, son œuvre a marqué l’histoire de l’art chinois, notamment dans la peinture de paysages. Ses créations allient techniques traditionnelles et innovations personnelles. Zhang Feng a capturé l’essence spirituelle des paysages chinois avec poésie et sérénité. Son influence perdure, inspirant artistes et amateurs d’art du monde entier et laissant un héritage exceptionnel.
Contexte historique
La période de vie de Zhang Feng coïncide avec la transition tumultueuse entre les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912). En avril 1644, Beijing tombe aux mains du rebelle Li Zicheng, entraînant une année chaotique de guerres à Nanjing entre un régime loyaliste Ming et les forces mandchoues attaquantes. Cette période de bouleversements politiques et sociaux a profondément influencé les artistes de l’époque, y compris Zhang Feng, dont le travail reflète souvent les sentiments de mélancolie et de nostalgie face à la perte de l’âge d’or de la dynastie Ming.
Formation et influences
Zhang Feng a été formé dans la tradition artistique chinoise classique, se spécialisant dans la peinture de paysages, ou shanshui (山水, littéralement « montagne et eau »). Il a été grandement influencé par les maîtres de la dynastie Song (960-1279) et Yuan (1271-1368), tels que Fan Kuan et Ni Zan, mais il a également développé un style distinctif qui combine des éléments traditionnels avec ses propres innovations.
Style artistique
Le style de Zhang Feng est souvent décrit comme à la fois rigoureux et poétique. En créant ces images idylliques du monde du reclus, Zhang Feng s’est tourné vers le style pâle et sec de Ni Zan (1306–1374), mais la légèreté aérienne de son toucher ajoute un nouveau charme lyrique au style de Ni. Ses peintures se caractérisent par des traits de pinceau audacieux et expressifs, une utilisation subtile de l’encre et une composition soignée qui met en valeur l’harmonie entre l’homme et la nature. Contrairement à certains de ses contemporains qui ont opté pour des compositions plus élaborées et détaillées, Zhang Feng a préféré des représentations plus simples et épurées, mettant l’accent sur l’essence spirituelle des paysages.
Un exploration poétique et visuelle
Passionné par le langage, Zhang Feng explore l’interaction expressive entre les images visuelles et poétiques de manière nouvelle et perspicace. Une de ses feuilles décrit le murmure des pins et le son de l’eau ruisselant sur les rochers ; une autre évoque les échos d’une pierre jetée dans une vallée déserte ; une troisième présente un coucher de soleil, un sujet rarement représenté par les artistes érudits mais qui pouvait avoir une signification symbolique profonde pour Zhang.
Fidélité et fin de vie
Zhang Feng est resté loyal à la dynastie Ming après la conquête mandchoue et, refusant de prendre une position officielle sous le nouveau régime, il a terminé sa vie dans des conditions plus que modestes. Son refus témoigne de ses convictions inébranlables. Malgré tout, Feng a continué à créer des œuvres qui reflètent sa profonde connexion avec la tradition, une certaine mélancolie et son engagement d’artiste.
Œuvres majeures
Parmi les œuvres les plus célèbres de Zhang Feng figurent ses rouleaux de paysage en encre sur soie, qui capturent la majesté des montagnes, des rivières et des forêts avec une sensibilité remarquable. Ses peintures telles que « Paysage d’Automne » et « Montagnes Brumeuses » sont particulièrement admirées pour leur capacité à évoquer une atmosphère de sérénité et de contemplation.
Héritage
Zhang Feng a laissé une empreinte durable sur l’art chinois, influençant de nombreuses générations de peintres après lui. Son approche unique de la peinture de paysages a contribué à enrichir la tradition shanshui, et ses œuvres continuent d’être étudiées et admirées par les amateurs d’art du monde entier. Ses techniques novatrices et ses thèmes profonds ont ouvert de nouvelles perspectives dans l’expression artistique en Chine.
Zhang Feng est un exemple éloquent de la richesse et de la profondeur de la peinture paysagère chinoise. Son héritage perdure, rappelant aux spectateurs la beauté intemporelle et la sagesse des paysages naturels. Ses œuvres sont des témoignages vivants de son talent exceptionnel, invitant à la contemplation et à l’appréciation de l’harmonie entre l’homme et la nature.
Les paysages de 1644
L’année 1644 est particulièrement significative dans l’œuvre de Zhang Feng. C’est au mois d’août de cette année, alors que la dynastie Ming s’effondrait, que Zhang a peint un album de paysages d’une beauté poignante. Dans ces œuvres, il adopte le style pâle et sec de Ni Zan, mais y ajoute une touche de légèreté et de lyrisme unique. Zhang explore ici de nouvelles manières d’interaction entre l’image visuelle et l’imagerie poétique : une feuille décrit le murmure des pins et le son de l’eau ruisselant sur les rochers ; une autre évoque les échos d’une pierre jetée dans une vallée déserte ; une troisième représente un coucher de soleil, un sujet rarement traité par les artistes érudits, mais qui peut avoir une signification symbolique profonde pour Zhang. Ces paysages reflètent non seulement la beauté de la nature, mais aussi la profonde mélancolie et la nostalgie ressenties face à l’effondrement de son monde. Refusant de servir sous la nouvelle dynastie Qing, Zhang Feng termina sa vie dans la pauvreté, mais ses œuvres de cette période demeurent des témoignages émouvants de sa fidélité et de son intégrité artistique.
Les paysages
Zhang Feng, 1644
Album de douze feuilles, encre et couleur sur papier (15,4 x 22,9 cm). coll. The Metropolitan Museum of Art, New York.
Feuille 1
水口略類桃源而非也。大風
« À l’embouchure du ruisseau, il y a une ressemblance avec la Source des Pêchers, mais ce n’est pas cela. Dafeng.»
Feuille 2
倣倪。
« Imitant Ni.» (Ni Zan, 1306–1374)
Feuille 3
“紅塵不向門前惹,綠樹偏宜屋角遮,青山正補牆頭缺。”元人填詞也。似宜作水樹法為得,而大概亦夯工處處,媿張句曲“擊鼓邊”一語。甲申七夕
« Les poussières rouges du monde n’atteignent pas le seuil de ma porte, les arbres verts préfèrent ombrager les coins de la maison, les montagnes bleues comblent joliment la brèche au sommet du mur de mon jardin. »
Un poème d’un écrivain de la dynastie Yuan. Il semble approprié de suivre la méthode de l’eau et des arbres pour peindre ce puits, bien que le résultat soit maladroit, une incarnation embarrassante de la phrase de Zhang Juqu (Zhang Yu, 1283–1350) « battre le côté d’un tambour ». La septième nuit du septième mois de l’année Jiashen (1644).
Feuille 4
雲磬風帆。
« Nuages en forme de cloches, voiles au vent. »
Feuille 5
畫無命題,題在處移,似聽澗響耳,若以為“明月松間炤,清泉石上流”亦可。北覲兄必以為大風於此道亦用時文法也,一笑。六月晦日。
« Le tableau n’a pas de titre fixe. Une fois le titre choisi, le lieu change. Le sujet semble écouter le ruisseau de montagne qui coule.
On pourrait aussi le nommer « La lune brillante brille à travers les pins ; une source claire coule à travers les rochers. » (un couplet d’un poème de Wang Wei, 701–761). M. Beijin doit penser que moi, Dafeng, je peins avec la méthode de composition des copies d’examen. Riez ! Le dernier jour du sixième mois (1er août). »
Feuille 6
Feuille 7
余苦不能淡至此,其亟力摹擬,然終是筆繁。七月十日雨中。大風
« Je m’efforce en vain de parvenir à une telle simplicité ; bien que je m’y applique avec diligence, mes traits restent toujours trop nombreux. Le dixième jour du septième mois (11 août), alors qu’il pleuvait. Dafeng »
Feuille 8
Feuille 9
Feuille 10
Feuille 11
夕陽在山
« Le soleil couchant sur la montagne »
Feuille 12
北覲兄以冊子見投,偶讀袁中郎集,因喜“澗底有人穿洞出,山間投礫隔村聞”之句,輒為圖,似恍恍疑得八九。小弟張風漫識於乳鴉軒。
« M. Beijin m’a présenté cet album pour des peintures. Il se trouve que je viens de lire le recueil d’écrits de Yuan Zhonglang (Yuan Hongdao, 1568–1610) et que j’ai été enchanté par les vers : « Quelqu’un sort d’une grotte au fond d’une cascade ; le bruit des cailloux jetés dans la montagne se fait entendre dans le village voisin. » J’en ai donc fait un tableau, soupçonnant d’avoir vaguement capturé quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent de son idée. Votre jeune Zhang Feng a inscrit ceci avec désinvolture en passant à la véranda de l’oisillon. »
Colophon I
« Au printemps de l’année Yiwei (1655), je me rendis à Beijing. Une nuit, je séjournais à Danqiao et, à la lueur d’une lampe, je lisais des poèmes inscrits sur les murs. Parmi eux, il y avait un vers composé sur l’air de pusaman, écrit en caractères monumentaux qui évoquaient le coup de pinceau rappelait celui de l’ivrogne Xu (actif de 713 à 740) et du fou Fu (1052 à 1107). Je composai un autre dans le meme schéma de rimes en réponse. Cela fait maintenant dix ans. Bien que le nom du poète soit inscrit sur le mur, vivant dans une région côtière reculée, je n’avais aucune idée de qui était Dafeng.
Aujourd’hui, dans la résidence officielle du vieux maître Li (Zhou Lianggong), j’ai finalement appris la vie de Dafeng et j’ai vu ses peintures. Son style vigoureux et puissant imprègne les surfaces des tableaux, et à travers les dimensions de la feuille, je semble voir émerger les sourcils et la barbe du général Zhang Hao lui-même. Écrit par l’étudiant An Zhiyuan. »
Colophon II
« Zhang Dafeng de Shangyuan était un peintre du début de la dynastie. Son coup de pinceau a une qualité de détachement placide et une utilisation obstinée de l’encre. Ils sont vraiment exceptionnels. Il y a longtemps, lorsque j’étais étudiant à Baixia, je visitais souvent le jardin Chu et le jardin Sui, où je demandais aux collectionneurs de me montrer quelques objets. Après avoir vu défiler tant de peintures devant mes yeux, je ne peux oublier les sentiments que j’ai éprouvés en les voyant. Cependant, cet album, avec ses fils de soie comme des cheveux de bœuf et ses lignes fines pénétrant jusqu’à l’os, aussi délicat que des nuages d’automne et aussi calme que l’eau tranquille, atteint un niveau supérieur. Il vous fait ressentir un enthousiasme et une crainte respectueuse de la main magiquement créative du maître. La forme de son accomplissement dépasse tout langage. Le 20e jour du cinquième mois de l’année Xinchou de l’ère Qianlong (11 juin 1781), à l’occasion de mon cinquantième anniversaire, je l’ai emprunté il y a quelques jours à l’oncle de ma femme, Litang, et je suis rentré chez moi dans mon atelier de la montagne Shiyao. J’ai minutieusement examiné et apprécié les œuvres pendant dix jours et nuits, ne perdant pas une seule minute. Le 27e jour (18 juin), alors que la pluie venait de cesser, avec une brise agréable et un temps d’été clair, j’ai fait remonter le fleuve avec mon bateau pour ramener (l’album) à la Dongxiang Caotang, comme si je naviguais dans une des peintures. L’oncle de ma femme saura le chérir. Par You Yin, le villageois au bord de l’eau et bûcheron. »